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L’hydrogène vert pour rendre à la France sa souveraineté industrielle

15 septembre 2020

Tribune de Christophe ROUVIERE
Publiée dans Les Echos 
Septembre 2020

 

Le développement de la filière de l’hydrogène vert, écrit Christophe Rouvière, est opportunité unique pour la France de retrouver une partie de sa souveraineté énergétique et industrielle.

La crise due au coronavirus SARS-CoV-2 aura joué un rôle utile et inattendu pour la France : celui de reposer enfin la question de sa souveraineté industrielle. Le rapprochement de Bombardier et d’Alstom, autorisé mais loin d’être finalisé, ne doit ainsi pas faire oublier que la France a laissé partir ses industries, ses emplois, ses savoir-faire, son attractivité et bien sûr sa capacité à mobiliser son outil productif dans des périodes de crises majeures. Les raisons en sont nombreuses, mais la suppression du commissariat général du Plan en 2006 y a certainement contribué.

Le 3 septembre, le Premier ministre Jean Castex annoncera son plan de relance de l’économie d’un montant de 100 milliards. Parmi ces 100 milliards, plusieurs devraient être consacrés à un plan hydrogène d’envergure. Ce plan hydrogène français fait suite au plan pour le développement de l’hydrogène vert annoncé le 8 juillet dernier par la Commission européenne. Son objectif vise à couvrir 12% à 14 % des besoins en énergie de la communauté européenne par de l’hydrogène vert d’ici 2050.

La résurgence du Commissariat général du Plan via la création d’un Haut-Commissariat au Plan annoncée est une bonne chose surtout si l’idée est de s’inspirer du premier Plan Monnet (1946-1952). Selon France Stratégie,«le premier plan de modernisation et d’équipement est resté dans la mémoire collective comme celui qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a exprimé en chiffres et traduit en actions concrètes le dilemme « modernisation ou décadence »».

Des milliards et des milliards

Le plan qui suivra la phase de concertation avec ses différents bénéficiaires devrait donner une priorité particulière à un plan quinquennal hydrogène très ambitieux, digne de ce qui a fait nos succès d’hier dans l’aéronautique, le nucléaire, le ferroviaire. Ces secteurs industriels ont inscrit leur développement et leur réussite économique dans le cadre de plans quinquennaux. Le plan hydrogène national se devra d’être très ambitieux au risque de gâcher l’opportunité de relancer notre industrie dans le sillage de cette filière innovante.

De nombreux pays européens ont pris la mesure des enjeux de cette nouvelle filière. L’Allemagne a ainsi annoncé un plan d’investissement de 9 milliards d’euros, le Portugal un plan de 7 milliards, l’Espagne 8 milliards, d’autres pays et d’autres annonces suivront probablement. Ces 30 à 40 milliards seront investis individuellement par les Etats européens d’ici à 2030. A ces investissements s’ajouteront 200 à 500 milliards d’euros découlant du plan de la Commission européenne d’ici 2050. Ces investissements qui semblent colossaux s’échelonneront cependant sur une période de 30 ans.

Avance asiatique

Ces milliards et ces milliards ne doivent pas masquer la réalité de l’avance prise dans le secteur de l’hydrogène par le trio de tête asiatique constitué de la Chine, du Japon et de la Corée. Ces trois pays ont pris une avance certaine dans le déploiement d’infrastructures de stations hydrogène ainsi que dans la mobilité lourde et légère, individuelle et collective. La Chine a par exemple investi 18 milliards de dollars sur la seule année 2018 ! Soit deux fois le montant du plan hydrogène allemand ! Face à ces velléités, l’Europe doit s’organiser sans tarder et mettre en place un plan d’investissement massif au risque de perdre cette nouvelle bataille industrielle.

Mais une chose est sûre, de la façon dont ces sommes seront allouées par le ministère de l’Économie et des Finances et le Haut-Commissariat au Plan dépend en grande partie la chance de voir la France et l’Europe regagner en souveraineté dans leur politique de transport, leur politique énergétique et leur politique industrielle. Le plan devra par exemple consacrer une enveloppe significative d’apport en capital aux quelques 80 PMI et ETI de ce secteur, faute de quoi la filière ne pourra pas se créer.

Le développement de la filière hydrogène est une unique opportunité de redonner à la France une partie de sa souveraineté perdue. Il bénéficierait grandement de la mise en place de plans quinquennaux de grande envergure accompagnés d’un plan d’investissement massif sur les 10 prochaines années. Après, il sera trop tard !

 

Christophe Rouvière est président de Natureo Finance.

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